L'éducation des enfants est un sujet de discussion sans fin pour les étrangers vivant aux Pays-Bas: nos chères têtes blondes sont très souvent des monstres d'impolitesse, d'égoïsme et de gêne infinie pour tout le monde.
Natasha, dans son blogue (totalement addictif d'ailleurs) 24oranges, décortique par le menu pourquoi c'est encore possible: les parents néerlandais préfèrent que leur môme casse les pieds de tout le monde que devoir le confronter et le corriger. Beaucoup pensent encore que corriger les mauvaises attitudes des enfants est traumatique et va brider leur créativité.
Hurler, manger comme un cochon, se rouler par terre, terroriser les autres enfants, faire des colères pour obtenir ce qu'on veut n'est pas, à mon sens, une aide à la créativité, bien au contraire. Pour être très occupé à créer moi-même, je peux vous assurer qu'une culture bien bétonnée et un sens de la discipline personnelle est encore le meilleur moyen de réaliser ses rêves créatifs, sinon, cela reste du blabla et du rêve jamais réalisé.
Les Néerlandais ont du mal à croire que je tienne mon chien sous appel sans laisse ni violence: Martin a appris qu'il peut jouer et courir quand c'est possible, mais que s'il veut rester avec nous sans qu'on le mette en laisse, il doit rester près de nous et obéir quelques règles très simples. Il attend au feu rouge, s'assoit quand on lui demande, nous attend sagement à l'entrée des boutiques et ne mord jamais. En échange, on le nourrit, le protège, on ne le tape jamais, et on lui donne beaucoup de câlins. Il faut parfois le corriger, mais cela n'est presque plus nécessaire. Bien sûr, un petit humain est plus complexe et d'une interaction plus riche, mais le principe est étrangement identique dès qu'il s'agit de l'élever: en échange d'amour, de protection et de nourriture, on lui apprend des règles de plus en plus sophistiquées lui permettant de vivre en harmonie avec son environnement social et naturel.
Certaines discussions sur les enfants que nous avons parfois dans mon parti me choquent profondément. Beaucoup pensent que l'enfant s'éduque tout seul, le laissent choisir lui-même sa nourriture à tout moment et toute heure de la journée, et surtout rechignent à poser des limites. Je préfère ne pas m'énerver, mais ce n'est pas toujours facile.
Quand je reviens en France, je vois que les adultes se plaignent que les enfants d'aujourd'hui ne savent pas se tenir. Il arrive effectivement que des monstres mal élevés nous cassent les pieds (souvent des petits nouveaux-riches d'ailleurs), mais mon impression générale est, qu'au contraire, beaucoup de petits Français se tiennent très bien (surtout à table, je suis impressionné). Mon plus gros problème avec l'éducation à la française tient à la façon dont on corrige parfois les enfants: corriger et punir sont souvent confondus (la punition devrait être un outil qu'on peut éventuellement utiliser pour corriger, ce n'est en rien une obligation systématique), et surtout, violence et humiliation sont encore trop souvent utilisées. Les fessées et les humiliations publiques n'ont jamais rien arrangé à l'attitude d'un enfant, au contraire. Qu'on discute encore de la possibilité de laisser les parents battre leurs enfants pour les "corriger" me laisse pantois: on demande aux adultes de ne pas abuser des autres, mais on viole l'intégrité des enfants sans problème. Je parle des parents, mais aussi des enseignants, de la police, des autres adultes...
Entre le laisser-aller à la hollandaise et l'éducation humiliante à la française, je crois qu'il est possible de trouver un juste milieu: rappeler à l'enfant qu'il y a des règles de savoir-vivre à respecter, qu'il est des limites à ne pas dépasser, mais sans recourir à la violence ou à l'humiliation. Et si les parents veulent aider leurs enfants à être créatifs, pourquoi ne pas éteindre la télé et passer du temps à jouer avec eux, à chanter ensemble, danser, construire des objets, cuisiner, inventer des histoires avec des marionnettes, jouer avec des mots qui n'existent pas...?
Si une éducation stricte mais dénuée de violence est possible avec un chien (Martin: 35kg de muscle, 4 pattes, une vitalité sans limite et une gourmandise énorme), ça devrait pouvoir l'être avec un enfant, non?