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jeudi 13 novembre 2008

Ces histoires de nationalité



Ah, la question de la nationalité... Aujourd'hui, j'ai lu qu'un ex-président du Conseil italien était content que Carla Bruni ne soit plus italienne après qu'elle eût déclaré être contente d'être désormais française, suite à la remarque de Berlusconi sur le bronzage parfait d'Obama (quelle remarque de folle superficielle, d'ailleurs). Quel niveau...
Hier, Natasha la Canadienne m'a appelé pour me raconter comment, après dix ans dans le Royaume Submersible, en ayant appris la langue toute seule et s'étant construite une carrière sans aide publique, elle a reçu une lettre de son arrondissement lui demandant de venir pour un entretien afin de tester son néerlandais et d'apporter ses diplômes qu'on puisse parler perspectives d'emploi. La raison cachée est, apparemment, que les arrondissements paniquent après avoir vu que les lois Verdonk sur l'intégration sont inapplicables et ont surtout engendré un monstre bureaucratique, et que si elles ne prouvent pas rapidos qu'elles ont essayé de lever des clients, elles vont devoir rembourser des sommes énormes au Royaume de subsides non-utilisés.

Il y a quelques mois, c'était le sort de Frédéric Minvielle que j'avais soulevé, le pauvre ayant perdu sa nationalité française pour s'être marié à un homme et avoir acquis la nationalité néerlandaise. J'ai appelé l'IND (services de naturalisation néerlandais) pour savoir où on en était sur la question, après avoir passé un bon quart d'heure (c'était un numéro surtaxé, natuurlijk) à demander à ses collègues, mon interlocuteur m'a avoué que personne ne savait plus très bien à quoi s'en tenir en matière de double nationalité avec la France: «appelez les autorités françaises qui en savent peut-être plus que nous.»
J'ai appelé le consulat général à Amsterdam, et c'est confirmé: «à partir du 5 ou 9 mars 2009, je ne sais plus très bien, il sera possible de conserver sa nationalité française.» Attention cependant: cette possibilité ne vaut que pour les demandes de naturalisation déposées après cette date. Si on dépose sa demande avant, le vieux système prévaut: goodbye passeport cocorico.

Lundi soir, j'étais à un débat organisé par le parti travailliste au Krakeling (un théâtre pour enfants vraiment mignon) avec Wouter Bos, notre vice-premier et ministre des finances, lui-même en bonne compagnie avec Fatima Elatik («je serai la première mairesse marocaine d'Amsterdam»), Ahmed Marcouch et le président du COC. Remarques très pertinente de Wouter Bos: «Quand Obama a été élu, les Noirs américains n'ont pas dit 'fiers d'être noirs', ni 'fiers d'être africains-américains' mais tout simplement 'fiers d'être américains'. Quand Aboutaleb a été nommé maire de Rotterdam, les jeunes ont dit 'fiers d'être marocains'. Pourquoi pas 'fiers d'être néerlandais', après tout?» Effectivement...
Ce soir-là, le débat a été très intéressant mais a aussi révélé pas mal de choses. Tout d'abord, le nouveau directeur du COC, Wouter Neerings, a rappelé une chose: si on peut choisir sa religion, ses idées politiques ou ses engagements sociaux, on ne peut ni choisir son sexe, ni sa couleur de peau, ni son orientation sexuelle. C'est pour cela que les discriminations en fonction de ces critères 'innés' doivent être combattus avec force, mais aussi qu'en cas de conflit entre orientation sexuelle, couleur ou sexe d'un côté, et politique ou religion de l'autre, le premier doit primer: le droit de ne pas être discriminé ou insulté pour ce que l'on est doit primer sur le droit religieux ou politique. Ça faisait un moment que j'attendais que cet argumentaire soit utilisé en public. Bravo Wouter (l'autre).
Ensuite, il y a eu une discussion sur la religion, l'identité et la nationalité. Malgré les efforts de chacun, impossible de sortir du vocabulaire marocains/musulmans/néerlandais: les jeunes sont "marocains", la culture est "musulmane" et les blancs sont "néerlandais". Je n'ai pas pris la parole, j'en ai marre d'être le Français de service qui donne des leçons de modernité, mais le débat a au moins une génération de retard par rapport à la France ou aux États-Unis. Il est vraiment temps de désethniciser la nationalité néerlandaise. J'en parlais dans des articles il y a plusieurs années (lien et autre lien), mais depuis le débat n'a pas avancé d'un pouce. Il faudrait vraiment que la néerlanditude soit associé à une forme abstraite et généreuse de nationalisme (démocratie, pacifisme, tolérance, modernisme social) et non à une couleur de peau.

Bref, vous l'aurez compris, la question du nationalisme est encore une question brûlante en 2009. Moi qui rêve d'une nationalité européenne inclusive et progressiste, je ne sais pas si j'en verrai la couleur de mon vivant...

P.S. Vous noterez (voir la photo ci-dessus) que Martin le chien a la nationalité néerlandaise: il a un passeport néerlandais d'animal de compagnie. Les bébés poilus comme moyen d'ancrage au pays, c'est vraiment efficace...