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jeudi 5 juin 2008

Pas d'espoir, obviously



Il y a quelques semaines, à la lecture de certains articles en sociologie mais aussi de nombreux articles de presse généraliste sur la question, j'avais voulu parler de l'avenir des jeunes de l'arrondissement en réunion de fraction. J'ai essayé d'expliquer que tous ne sont pas égaux et que le futur des certains jeunes est fortement limité dès la naissance. Si on analyse les statistiques sur Amsterdam mais aussi sur l'Occident en général, la tendance lourde est à l'héritage des privilèges et l'exclusion à long termes de certaines parties de la population, avec des variations selon le sexe, l'origine ethnique, le pays de résidence ou la profession des parents.
Pour aller vite, les petits garçons d'origine marocaine nés à Amsterdam ont déjà un avenir de merde tout tracé si on continue ainsi. Pourtant, au lieu de prendre le problème à bras le corps, on m'a opposé le déni le plus rigide. "Mes parents étaient pauvres et pourtant maintenant je suis riche" (mec de 65 ans); "Je connais des Marocains qui ont réussi" (meuf de 35 ans).
Au lieu d'essayer d'imaginer que faire pour s'assurer que tous les jeunes puissent envisager leur avenir en fonction de leurs talents et non leur origine, on m'a traité de menteur. J'étais furieux devant tant de bêtise. Je suis loin de tout maîtriser, mais c'est un peu mon rayon, ce genre de questions. Mais non, rien à faire.

Hier, la "une" du Parool, le journal amstellodamois, titrait ainsi: "Impuissance face à la fracture sociale". Sous-titre: "L'échevin Asscher: ça empire et on ne maîtrise plus rien. / 'les différences ne sont pas résolvables avec un plan' "
Voilà. C'est le genre de moment compliqué, où je suis à la fois content d'avoir eu raison, mais en même temps où j'aimerais avoir tort. Mais bon, maintenant que c'est clair, que même l'échevin ne sait plus comment s'y prendre, il est bon d'imaginer comment y travailler sur le long terme. J'ai quelques pistes de travail...

1. Émanciper les femmes. S'assurer que faire des enfants n'empêche pas de faire une carrière. Suivre la Norvège et exiger que les entreprises aient au moins 40% de femmes parmi leurs dirigeants. Punir ceux qui s'obstinent à n'avoir que des hommes à leur tête. Si les femmes néerlandaises n'arrivent pas à faire carrière, comment peut-on imaginer que les allochtones y arrivent?

2. Punir sévèrement les discriminations. Renverser la charge de la preuve et faire en sorte que les entreprises qui discriminent ne puissent avoir de contrats avec les autorités. Et que les institutions qui discriminent ne puissent toucher des fonds publics.

3. Penser sérieusement à des politiques de discrimination positive. Tout en restant très pragmatique: hors de question de se retrouver dans une situation à la sud-africaine où tous les jeunes hommes blancs vont voir ailleurs tant leurs chances de trouver un travail sont faibles.

4. L'école doit pouvoir remplacer les parents déficients. Si les parents ne sont pas capables d'enseigner le néerlandais à leurs enfants ou même leur transmettre les clefs culturelles leur permettant de réussir dans la vie, c'est à la collectivité de s'en charger. Cela va coûter du temps et de l'argent, mais à la fin tout le monde en profitera.

5. Casser les privilèges. Il ne peut y avoir de démocratie basée sur le mérite si tous les postes intéressants sont hérités et non mérités. Je sais que beaucoup de gens dans des situations intéressantes ont peur de ne pas pouvoir transmettre leur position à leurs enfants, mais on ne peut pas à la fois demander à ce que les allochtones s'intègrent et en même temps les empêcher de pouvoir s'épanouir librement en fonction de leurs talents.

C'est un vaste programme. Ce ne sont que quelques pistes. Ce n'est pas réalisable en deux ans avec quelques millions d'euros, mais il faut savoir ce que l'on veut, non?