mercredi 23 avril 2008
Un article dans Têtu Livres
Et bien, c'est drôle comment les choses se téléscopent parfois. Je reçois la compile de DidierLestrade, en parle, et voilà que Paul de Têtu m'envoie l'article que Didier a écrit sur moi. On pourrait croire que je l'ai corrompu tellement il est bien. Je vous assure que ce n'est pas le cas, c'est presque l'inverse, en fait. Allez, on enjoy, c'est pas tous les jours que je lis un article aussi dithyrambique sur ma musique et mon livre... (cliquez sur l'image pour l'article en taille lisible)
Question de Mix
Le sociologue Laurent Chambon publie un essai décapant sur les "minorités" et la diversité française et sort... un premier album très réussi de pop-house. Quand le talent se double du don d'ubiquité.
Têtu Mai 2008, Page 24.
Qui aujourd'hui a la capacité de publier, le même mois, un livre novateur sur l'intégration des minorités et un album indépendant de house music? Laurent Chambon. Ce sociologue et politologue livre un essai, Le grand mélange, Minorités, tolérance et faux semblants dans la France de Nicolas Sarkozy, et, simultanément, commercialise son premier album, Überlove, composé et produit en collaboration avec son partenaire dans la vie, Lewis Marques. Et la surprise ne s'arrête pas là. Le livre et l'album sont tous les deux renversants, au point qu'on se représenterait volontiers leur auteur comme l'un des leaders de cette nouvelle génération dont la communauté LGBT française a grandement besoin. Tout commence, il y a dix ans, quand cet homosexuel de 36 ans s'installe à Amsterdam. Son premier ouvrage, Le sel de la démocratie, l'accès des minorités au pouvoir politique au pouvoir politique en France et aux Pays-Bas (Université d'Amsterdam, 2002) a mis la question communautaire au coeur de son travail. La création du site Minorites.org et de son blog Kreukreuscopie, l'affaire de l'assassinant de Pim Fortuyn facilitent la visibilité de ce workoholic qui parle couramment l'anglais et le flamand, et qui maîtrise les questions liées à la laïcité ou à l'immigration.
En tant que gay naturellement affirmé, Laurent Chambon - qui collabore occasionnellement à Têtu - dispose d'un autre joker: son analyse met sans cesse en perspective l'intégration des minorités sexuelles et celles des ethnies minoritaires, y compris dans le cadre de la religion. Tous les sujets explosifs de notre temps, en quelque sorte. Il est souvent sollicité par les médias français tels que Libération, surtout depuis 2006, quand il devient conseiller municipal pour le Parti travailliste dans l'arrondissement du Vieux-Sud à Amsterdam et le seul élu local européen (non-néerlandais) aux Pays-Bas. Le travail de Laurent Chambon se présente alors sous de multiples facettes: c'est un chercheur gay qui milite politiquement, au niveau local. Pour la défense de ses idées, mais aussi pour mieux comprendre le système.
La parution de son dernier livre, chez Denoël, résume l'ensemble de ses recherches et le résultat est loin de ressembler aux clichés des chercheurs homosexuels qui s'enlisent dans le républicanisme gay. Droits des gays, retard du coming-out des célébrités en France, bilan du pacs, islam politique, port du voile, représentation des minorités dans les médias, émeutes dans les banlieues en 2005, multiculturalisme, discrimination positive, crise de la gauche... Les sujets polémiques ne manquent pas, mais ils sont tous analysés avec équilibre. Chambon, souvent ironique, s'adresse directement au lecteur en livrant des détails intimes de sa vie ou de celle de son entourage. C'est un document qui fera date, car il échappe au nombrilisme hexagonal quand il met nos préjugés en perspective avec ce qui se passe vraiment aux Pays-Bas, en Europe, aux États-Unis et en Afrique.
Le livre de Laurent Chambon peut aussi servir d'introduction au disque Überlove, comme si ce dernier était le prolongement musical de la sincérité de l'essayiste. Et là, je peux me permettre d'être personnel. Il y a dix ans, Laurent est venu me voir avec ses premières démos. Elles étaient rudimentaires, très influencées par les Pet Shop Boys, mais on y sentait un bourgeon d'impatience, une naïveté urgente. Il découvrait la house. En une décennie, il est devenu un geek de l'autoproduction, un DJ nerd, revenant sans cesse sur ses premiers morceaux pour les améliorer. Son mari, le sexy Américano-Portugais Lewis Marques, assure les vocaux sur l'album et sur scène. Laurent est parti à Detroit pour travailler avec Aaron-Carl et Ron Murphy, des magiciens de la techno américaine. Et son premier album sort ce mois-ci, sur le label Cherry Juice Recordings, avec un pochette dessinée par son ami et graphiste Pierre Marly (de la nébuleuse Geneviève Gauckler). Dix titres de pop house étrangement insistante, avec un réel potentiel de cross-over (mon morceau préféré: One Street Further). On vous a toujours dit qu'il n'y avait qu'un pas entre les droits des minorités et les basses acides de la house. Laurent Chambon en apporte la preuve.
Didier Lestrade
Le Grand mélange, Minorités, tolérance et faux-semblants dans la France de Nicolas Sarkozy, Denoël, 253 pages, 18€.
Überlove, de Laurent & Lewis, Cherry Juice Recordings.
www.laurentchambon.com - www.laurentetlewis.com