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dimanche 18 février 2007

Francophilie/phobie

Le rapport des Néerlandais à la France est au moins aussi simple que celui des Français aux Etats-Unis. Quand j'ouvre ma bouche, il y a toujours un femme pour me dire que mon accent français est sexy ou un mec pour venir me raconter ses vacances à Vitré-sur-Quenouille, près de la Ferté-Bichon. Comment leur expliquer que mon accent n'est pas volontaire et que je ne connais pas toutes les 36.000 communes de France? A l'inverse, si je dis quelque chose d'un peu bizare (ça m'arrive parfois, je sais c'est étonnant), on me ressort les mêmes clichés francophobes sur notre bordélisme (de franse slag en kreukreu), la corruption de notre président ou sur le méchant Napoléon qui a ruiné les Pays-Plats en leur imposant les noms de famille, le code civil et des noms aux rues.

L'autre jour, j'étais dans le train et il y avait un groupe de jeunes bruyants et un peu bêtes, assis là où il ne fallait pas et souffrant assez intensément d'acnée juvénile. Le top du drôle était d'essayer de parler français. Le résultat n'était pas vraiment impressionnant, mais j'ai trouvé ça remarquable. Comme si les jeunes français essayaient de se parler en allemand ou en russe pour rigoler. A part les premiers de la classe un peu dérangés, je ne connais pas beaucoup de jeunes Grenouilles arrogantes qui trouveraient ça hillarant.
Il me semble que malgré notre nullissime président, les zéro euro investis depuis 20 ans dans la promotion du français, la nullité des profs de français aux Pays-Bas, la place des Etats-Unis et l'arrogance des garçons de café parisiens, la France continue de marquer positivement le reste de l'Europe. Je n'arrête pas de rencontrer des gens qui sont ravis d'étaler leur français, quelle qu'en soit la qualité, qui me parlent d'un camping fabuleux dans un coin paumé de l'Auvergne ou d'une leçon magistralement magique à la Sorbonne, de la politique culturelle française ou du dernier disque absolument merveilleux de telle artiste française famélique et sans voix. C'est bien la preuve qu'il reste quelque chose qui touche les gens, non?
Ce qui me désole dans l'histoire, c'est le manque de réactivité des autorités françaises, bien trop gallocentrées pour s'étonner d'un tel intérêt. Alors que les Européens semblent attendre beaucoup de cette France qu'ils aiment d'une manière ou d'une autre, ils ne reçoivent en échange que commentaires arrogants, des fins de non recevoir et surtout aucune reconnaissance, si ce n'est l'auto-congratulation des diplomates lors de discours prévisibles sur l'amitié séculaire entre les peuples gaullois et batave. Les candidats à la présidence n'ont aucune vision pan-européenne claire, la Maison Descartes s'illustre depuis dix ans par son incapacité à promouvoir autre chose que du vent ou des discussions avec des auteurs que personne n'a lu, l'ambassade de La Haye s'est surtout illustrée par une mémorable saillie anti-démocratique contre Tariq Ramadan, et les associations de Français ici sont surtout des clubs d'épouses un peu délaissées qui fantasment sur la grandeur culturelle d'une France qui n'a jamais existé.
Heureusement, les Français des Pays-Bas sont pour l'essentiel mariés à des étrangers, promouvant de fait l'amitié entre les peuples et ne s'occupent pas tellement de savoir si la pureté culturelle du pays d'origine est désormais menacé par l'Amérique. C'est cette France mélangée, culturellement occupée à créer (richesses, culture, enfants...) et bien en phase avec le monde qui touche les Européens, pas les institutions coincées dans leurs dorures et leur protocole. Comme les bars homos me rendent parfois homophobe, la fréquentation des piliers de la Maison Descartes et l'immobilité des diplomates français en poste ici me rendent francophobe. Imaginez donc ce que ça doit être pour les Néerlandais!

PS. Oui, le vin "Arrogant frog" existe vraiment. J'adore l'offrir aux gens que je visite, comme une sorte de vaccin contre l'arrogance involontaire dont je pourrais faire preuve. On le trouve en rouge et en blanc chez Gall & Gall.