Voilà une décision franchement historique: la Cour européenne de Strasbourg grille le Conseil d'Etat, auquel elle reproche son légitimisme.
Dans la presse néerlandaise:
"Il est remarquable et incompréhensible que la Cour européenne de Strasbourg ait abouti à la conclusion qu’un Somalien âgé d’une vingtaine d’années ne puisse pas être expulsé", relève le Volkskrant (p.3). "C’est ce que le président du Conseil de la Justice, Albert Hendrik van Delden, a déclaré dimanche durant le programme télévisé Buitenhof . ’A mon avis, on définit ici une nouvelle ligne’, a dit Van Delden. Il faisait allusion au fait que le Conseil d’Etat a été contourné dans cette affaire. Le Somalien n’a pas soumis sa plainte au juge administratif du Conseil d’Etat, mais a directement saisi la Cour européenne des droits de l’Homme. Van Delden ne comprend pas que la Cour de Strasbourg ait accepté cela. La Cour avait conclu elle-même qu’un recours en appel auprès du Conseil d’Etat n’avait pas de chance d’aboutir."
"A Strasbourg, on a estimé la semaine dernière que le demandeur d’asile ne peut pas être renvoyé en Somalie parce qu’il court le risque d’y subir des traitements inhumains. Contrairement à la pratique néerlandaise, la Cour a estimé que le Somalien n’avait pas besoin de prouver qu’il serait personnellement persécuté. Il suffit qu’il fasse partie d’une minorité opprimée dans le Sud de la Somalie."
La Cour européenne des droits de l’Homme a accepté la saisine du Somalien parce qu’il n’avait "pratiquement pas de chance d’aboutir" auprès du Conseil d’Etat, souligne l’éditorialiste du Trouw. "Ce passage en apparence anodin constitue en fait une condamnation implacable de la procédure suivie aux Pays-Bas. La nouvelle loi de 2001 sur les étrangers ne laisse pratiquement aucune latitude aux tribunaux de juger l’affaire d’un demandeur d’asile sur le fond. Ce qui compte, c’est la procédure suivie : les règles ont-elles été respectées ? Si tel est le cas, le demandeur d’asile n’a en général aucune chance."
"Dans cette procédure les circulaires du ministère des Affaires étrangères jouent un rôle prépondérant. S’il en ressort qu’une certaine région est sûre, il n’y a plus de discussion possible. Mais la Cour part du principe qu’un tribunal doit aussi tenir compte des rapports des organisations de défense des droits de l’homme." "Tout citoyen, qu’il soit étranger ou non, doit pouvoir être sûr qu’un juge indépendant aura le dernier mot dans son affaire. La petite phrase anodine de la Cour signifie que ce n’est pas le cas aux Pays-Bas. Manifestement, les tribunaux néerlandais suivent trop le cap du pouvoir exécutif. Le ministre Hirsch Ballin - lui-même issu du Conseil d’Etat - fera bien de prendre à cœur cette critique. Les demandeurs d’asile ont droit à un jugement équitable et indépendant."
"Il aura fallu un juge européen pour dire aux Pays-Bas que le mantra de la ministre Verdonk (VVD), ’les règles sont les règles’, peut déboucher sur une violation du plus fondamental de tous les droits de l’homme", remarque le commentateur du NRC Handelsblad de samedi. "Une telle constatation n’est pas seulement embarrassante, elle est aussi humiliante. Et pas seulement pour un seul ministre."
http://www.ambafrance.nl/article.php?id_article=8099