Ce qui me chagrine un peu, c'est le suivisme collectif des politiciens néerlandais, surtout de droite: le jour où Maurice de Hond proclame qu'avec Rita en tête-de-liste, le VVD va gagner 11 sièges, elle est une sainte, le futur de la politique. Tout comme Hirsi Ali l'a été pendant les élections. Maintenant, après avoir hurlé contre Hirsi Ali, voyant que l'opinion se retourne et que Verdonk est une grenouille psychorigide et incapable de vision politique, les voilà à défendre Hirsi Ali et lyncher Verdonk.
On dit que la France a la droite la plus bête du monde. Les Pays-Bas se défendent très bien dans ce domaine, je trouve...
Dans la presse néerlandaise: Après avoir été éreintée par la Deuxième Chambre tout entière, cette semaine, Rita Verdonk a aussi dû rendre des comptes sur ses actions des derniers jours face au premier ministre Balkenende et les vice-premiers ministres Zalm et Brinkhorst, dans la ’Tourelle’, jeudi", rapporte le Volkskrant à la une. "La dirigeante VVD est-elle désormais sous tutelle dans la question de la naturalisation d’Ayaan Hirsi Ali ?""En rendant publique sa conclusion concernant la naturalisation de Hirsi Ali, lundi, Verdonk a agi contrairement aux engagements pris, a déclaré Balkenende hier, durant l’émission Netwerk."
"Balkenende a dit hier, après la concertation dans la Tourelle, qu’il veillerait personnellement à ce que Verdonk exécute convenablement l’ordre que lui a donné la Deuxième Chambre. Il est fréquent que le gouvernement se concerte sur une motion, mais cette forme de délibération a posteriori est sans précédent."
"Verdonk a même reçu un ordre supplémentaire : elle a dû écrire le jour même une lettre à sa collègue de parti Hirsi Ali. Du point de vue politique, il s’agit d’une lettre d’excuse qui aggrave la retraite de Verdonk. Elle a avalé ces couleuvres, évitant une crise ministérielle.""Dans le dossier Ayaan, une foule de personnes influentes surveille maintenant Verdonk. Elles n’accepteront pas qu’elle dévie une nouvelle fois de la ligne tracée par la Chambre.""Le show médiatique que Verdonk et son équipe de campagne ont monté autour de son excursion en hélicoptère à Hardenberg, le lendemain de sa cuisante défaite à la Chambre, a suscité beaucoup d’irritation. Plus préjudiciable pour elle était le fait qu’à Hardenberg, elle s’est de nouveau cramponnée à son mantra ’les règles sont les règles’. Sur son weblog, Zalm rend finement compte de l’action de Verdonk : ’C’est si elle avait gagné le débat et s’il n’y avait pas eu de motions. C’est spécial. Moi, je n’en serais pas capable’.""Aujourd’hui, en conseil des ministres, le premier ministre Balkenende laissera toute latitude à quiconque voudra commenter le comportement de la ministre. Verdonk devra de nouveau encaisser."
"La ministre Verdonk accuse la direction centrale du VVD de manipulation de l’élection de la tête de liste", note le même Volkskrant en page 3. "La direction a fait savoir jeudi que presque dix mille membres du VVD pourront revoter pour l’un des candidats s’ils regrettent leur premier choix.""La procédure de vote prévoit cette possibilité, mais selon le porte-parole de Verdonk la disposition en question ne s’applique pas aux ’repentis’ ; elle vise à éviter les votes doubles."
"Le président de la Deuxième Chambre, Frans Weisglas, estime que cette possibilité est ’très douteuse’ et ’indigne d’un parti démocratique’."Après le débat d’urgence sur la nationalité d’Ayaan Hirsi Ali, quelques éminents membres du VVD ont déclaré qu’ils étaient contents de ne pas encore avoir exprimé leur suffrage sur le leadership du parti. Des dizaines d’autres ont appelé la direction du parti pour demander s’ils pouvaient modifier leur vote en faveur d’un autre candidat. C’est effectivement possible pour les 9 500 membres qui ont voté par correspondance jusqu’à présent. Leur suffrage écrit sera annulé s’ils votent en ligne les prochains jours. "S’ils modifient en masse leur préférence, cela peut être décisif pour le résultat. Les sondages indiquent jusqu’à présent que c’est la course au finish entre Rutte et Verdonk" (également Het Financieele Dagblad p.1, De Telegraaf p.1, Trouw p.4).
La position de Rita Verdonk dans la question de la nationalité d’Ayaan Hirsi Ali "risque de plonger les Pays-Bas dans une crise constitutionnelle", affirment le professeur de droit Afshin Ellian (Université de Leyde [et grand copain d'Hirsi Ali, il faut le dire, NdLC]) et l’écrivain Leon de Winter dans une tribune publiée par le Volkskrant. "La Constitution dit que la Deuxième Chambre se compose de 150 membres néerlandais. Elle ne dit pas : environ 150, mais exactement 150. Selon Verdonk, ce n’est pas le cas en ce moment." "L’approche imprévoyante, disons franchement stupide, de Verdonk pose une bombe constitutionnelle sous notre parlement actuel. Si le gouvernement n’intervient pas, cette bombe explosera dans six semaines." "Si l’approche légaliste de Verdonk est correcte et si Hirsi Ali perd la nationalité néerlandaise dans six semaines, nous risquons d’avoir vécu dans un monde virtuel du point de vue constitutionnel, les trois dernières années." "Qui modifiera la Constitution pour sauver les lois et les minutes des trois dernières années, si le parlement actuel n’est pas compétent parce qu’il comptait 149 membres ? Seul un parlement compétent peut le faire. Et s’il apparaît, après quelques acrobaties constitutionnelles à la Donner, que 149 membres suffisent, quelle sera la limite inférieure ? 148, 147, ou bien le parlement peut-il ne compter qu’un membre ? Dans quelles conditions précises les 149 membres ont-ils exercé la souveraineté du peuple ? Voilà le problème politico-démocratico-constitutionnel."
"L’état d’urgence a probablement été décrété dans la Tourelle hier. Les collègues de Verdonk ont indubitablement réprimé leur désespoir et leur colère face à son comportement bizarre. Pour être élue tête de liste du VVD, elle met en jeu des intérêts d’Etat. Le fait-elle sciemment ? Non, elle le fait parce qu’elle n’a pas la moindre idée des conséquences que sa position peut avoir.""Ayaan a la nationalité néerlandaise depuis 1997. C’est un fait immuable. Et Rita Verdonk doit immédiatement prendre un emploi de directrice de prison sur une île lointaine. En taule, les règles sont toujours les règles. En tant que ministre, elle est un projectile incontrôlable et destructif."
Elsevier évoque dans son article de couverture "la star mondiale chassée", "le départ abrupt d’Ayaan Hirsi Ali". "Son départ pour le groupe de réflexion conservateur American Enterprise Institute de Washington, le 1er septembre, prouve qu’Ayaan Hirsi Ali s’est taillé une solide réputation d’intellectuelle à l’étranger." "Madame Ali part pour le pays de la liberté, les Pays-Bas peuvent reprendre leur débat sans contestation. En toute convivialité", écrit le rédacteur en chef du magazine, Arendo Joustra, dans son éditorial. Et selon René van Rijckevorsel, "Mohammed Bouyeri qui, en dépit de l’acte atroce qu’il a commis, a pu garder la nationalité néerlandaise, rit sous cape". "Nous devons éprouver une grande honte pour avoir tous contribué à excommunier une des plus grandes héroïnes de notre époque", fait valoir Leon de Winter de son côté. "Nous avons laissé faire les cinglés et les radicaux qui voulaient la bannir. C’est une honte nationale."
Vrij Nederland s’est plongée dans "les années rouges de Rita", lorsque l’actuelle ministre de l’Immigration était militante à Nimègue, où elle faisait ses études. En 1981, elle a participé activement à la résistance contre la construction d’un garage à étages. En tant que membre du radical Syndicat des Contrevenants, elle défendait les droits des prisonniers. Mais elle n’était pas si socialiste que cela, selon l’une des sources des reporters. "D’après moi, elle n’avait pas vraiment de conviction", se rappelle un militant de l’époque. "Avec son zèle, elle aurait tout aussi bien pu siéger au comité des Timbres au profit de l’enfance."
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